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Entre décarbonation, plateforme indépendante et expertise européenne, la start-up française Viridian est en passe de devenir un acteur majeur de la production de lithium en Europe.
La transition vers la mobilité électrique prend de l’ampleur en Europe, et avec elle, la demande en lithium, composant essentiel des batteries. C’est dans ce contexte que Rémy Welschinger, co-fondateur de Viridian, a vu l’opportunité de révolutionner la production de lithium sur le continent. Ce Français, installé à Londres depuis une vingtaine d’années, connaît très bien le marché des matières premières. Il a travaillé 15 ans dans des banques d’affaires avant de se consacrer au développement d’entreprises dans les domaines industriel et minier, notamment dans l’industrie du lithium.
C’est ainsi que naît l’idée de créer Viridian, une entreprise dédiée au développement de l’industrie du lithium en Europe. « Viridian signifie vert en latin, et notre entreprise a pour mission de développer l’industrie du futur, basée sur une économie verte et décarbonée », explique le fondateur. Pour concrétiser son projet, l’entrepreneur a pu compter sur l’expertise de ses associés. « Notre avantage est que nous étions matures dès la création de la société, car nous avons bénéficié de l’expertise rare et pointue de John et Dave, deux ingénieurs australiens ayant déjà construit des sites de production de lithium ».
Viridian se démarque par une approche unique en deux points. D’une part, l’entreprise développe une usine qui combine le raffinage du lithium et la conversion du carbonate de lithium en hydroxyde de lithium, un procédé moins énergivore que les méthodes traditionnelles. « Nous sommes les premiers à porter ce type d’activité en Europe. Nous n’extrayons pas le lithium, mais nous intervenons pour en finir la production », précise Rémy Welschinger. D’autre part, Viridian mise sur une plateforme indépendante qui n’est pas liée à une ressource naturelle spécifique. Cette indépendance permet de sécuriser les matériaux critiques et offre aux consommateurs de lithium un choix plus large sur la provenance de leur produit.
La France s’est imposée comme le choix naturel pour développer Viridian. « L’Europe sera la région la plus importante dans la transition vers la mobilité électrique. La France, avec des outils très efficaces comme la BPIfrance, est la destination la plus attractive d’Europe », explique Rémy Welschinger. L’entreprise a également été séduite par les régions industrielles du Grand Est et des Hauts de France, où elle a été invitée à s’implanter par Business France.
C’est finalement à Lauterbourg, dans le Bas-Rhin, que l’entreprise envisage de s’installer. « Lauterbourg offre des avantages avec une ZAC industrielle et un acteur chimique important, Dow Chemical, une infrastructure portuaire moderne avec porte-container et porte-colis lourds, et une interconnexion avec la route et le rail », explique Rémy Welschinger. « Cela nous permet d’avoir tout l’écosystème et l’infrastructure pour développer notre activité, notamment pour la logistique propre à notre métier : l’import et l’export de produits chimiques et de lithium », ajoute-t-il.
La société est aujourd’hui en phase de développement avancé, avec un avant-projet définitif et un accompagne-ment par Technip, entreprise française spécialisée dans les projets d’ingénierie et de construction pour l’industrie de l’énergie. L’objectif est de mettre en service l’usine de Lauterbourg fin 2025, pour une production dès 2026. « Dans cette première phase, on parle d’une capacité de raffinage et de production du lithium de qualité batterie qui dépasserait les 25 000 tonnes par an », indique Rémy Welschinger. Avec une superficie de 20 hectares, le site de Lauterbourg sera capable d’accompagner la croissance de la demande jusqu’à quatre fois la taille initiale, soit plus de 100 000 tonnes par an. L’usine emploiera entre 60 et 70 personnes au début, principalement des techniciens, pour atteindre potentiellement 200 à 220 employés d’ici 2030.
Parmi les principaux enjeux du développement de Viridian, Rémy Welschinger souligne trois piliers essentiels : un besoin de financement important avec plus de 200 millions d’euros d’investissement, l’obtention des autorisations et du permis de construire, ainsi que l’ingénierie pour un projet bien défini et détaillé. En outre, l’entreprise doit sécuriser des contrats futurs qui garantissent un cash flow stable. « L’incubateur SEMIA et Quest for industry nous accompagnent dans nos démarches administratives, dans l’accès aux aides financières et dans les relations avec les acteurs clés comme la Région Grand Est », indique le dirigeant. Il souligne également l’importance du rôle joué par l’incubateur dans le soutien aux projets industriels : « Ils ont fait le choix de ne pas avoir seulement la casquette classique d’un incubateur de start-up technologiques. Ils ont aussi fait le choix de se spécialiser dans l’industrie en développant des compétences dans ce secteur et en accompagnant des projets industriels dont certains sont très matures. C’est assez novateur et cela devrait inspirer d’autres incubateurs à le faire. »
Avec un marché en forte demande, une véritable expertise et un accompagnement adéquat, l’avenir semble prometteur pour Viridian. « Si on exécute bien le projet, on pourra nourrir l’ambition de devenir un acteur industriel important dans la région et même à l’échelle de l’Europe » se met à rêver Rémy Welschinger. Réaliste, il reconnaît toutefois qu’un travail conséquent les attend, mais se sent prêt à relever ce défi passionnant.
Fin 2022, le projet est devenu lauréat de l’appel à projets « Métaux Critiques » de France 2030, obtenant ainsi la reconnaissance de son caractère stratégique par l’État.
Pour en savoir plus : www.viridianlithium.com
Article du magazine « Innovation dans l’industrie », Or Norme, 2023